Laryngectomie totale

Ceredas donne la parole aux femmes.

Contrairement aux idées reçues, la laryngectomie totale n’est pas une opération réservée aux hommes, même si, à la lecture des publications spécialisées, l’on pourrait parfois le penser. Beaucoup de femmes ont, elles aussi subi durablement, dans leur chair comme dans leur esprit, les conséquences de cette intervention.
Voilà pourquoi, Ceredas a souhaité donner à ces femmes la possibilité de s’exprimer dans ces colonnes, de nous faire part de leur vécu après l’opération, d’évoquer le regard que l’on porte sur elles et la façon dont elles ont su patiemment se reconstruire, mois après mois. Vous trouverez donc ci-dessous, sous forme d’interview, les portraits croisés de trois femmes, qui ont su surmonter l’épreuve de la laryngectomie, en gardant pleinement intactes leurs qualités de coquetterie.

Et vous constaterez qu’au-delà de réactions qui leur appartiennent en propre, elles délivrent, avec une belle unanimité, un formidable message d’espoir pour toutes les femmes laryngectomisées, qui pourrait se résumer ainsi : Oui, on peut rester totalement femme après la laryngectomie !

Eric BEZICOT : « Bonjour. Je vous remercie une fois encore d’avoir bien voulu répondre à mes questions concernant votre vie après la laryngectomie et vos activités actuelles. Je souhaiterais tout d’abord commencer par la question sans doute la plus difficile: A quel âge avez-vous été opérées et pour quelles raisons ? »

Ghislaine VILLORY: « J’ai été opérée le 17 avril 2003, à cause du tabac, à l’âge de 49 ans. »

Annie FOSSIER: « L’opération date de 2002, j’avais donc 57 ans. »

Dominique ABOUAF: «Suite à une récidive de cancer, l’intervention a été effectuée en 1999, à 48 ans. »

Eric BEZICOT : « J’imagine que, pour chacune d’entre vous, cela a profondément affecté votre état de femme ? »

Dominique ABOUAF: « On parle toujours du cancer du sein pour les femmes mais effectivement on ne parle pas du cancer du larynx qui est bien plus mutilant. »

Annie FOSSIER: « En ce qui me concerne, je considère que j’ai eu « double peine » puisque j’ai également eu un cancer du sein. Je milite pourtant pour changer l’image que l’on a du cancer du larynx, parce que le cancer du sein, on n’entend parler que de ça. Il y en a un peu ras le bol. Malheureusement, nous sommes trop souvent cataloguées comme des alcooliques, et je crois qu’il faut changer cette image. »

Eric BEZICOT : « Comment avez-vous vécu le regard des autres, peu après votre opération ? »

Annie FOSSIER: « Au début, c’est ça qui est le plus pénible, la façon dont les gens vous considèrent. »

Ghislaine VILLORY: « Ce que certaines personnes disent de l’extérieur : « tu as bu, tu as fumé, tant pis c’est de ta faute ! »

Eric BEZICOT : « Et vos proches ? Vous ont-ils apporté leur soutien ? »

Annie FOSSIER: « Oui, après ils se sont même montrés fiers. »

Eric BEZICOT : « Une question un peu plus intime maintenant : Cela a-t-il changé quelque chose à votre vie de couple ? »

Annie FOSSIER: « Non, cela n’a rien changé. »

Ghislaine VILLORY: « Personnellement, j’ai rencontré Francis, lui-même laryngectomisé. »

Dominique ABOUAF: « En fin de compte, rien n’a changé. »

Eric BEZICOT : « Concernant le nez artificiel Cyranose® que vous portez toutes les trois, si vous deviez résumer vos impressions concernant ce dispositif, que diriez- vous ? »

Dominique ABOUAF: « Je dirais mille mercis. »

Annie FOSSIER: « Et moi, quel confort ! »

Eric BEZICOT : « Ce que vous appréciez aussi, c’est de pouvoir en faire un bijou »

Annie FOSSIER: «Bien sûr, avant tout, il y a le confort respiratoire apporté, mais nous sommes également séduites par son côté esthétique. »

Eric BEZICOT : « Pardonnez-moi ces confidences personnelles, mais le camée était le premier bijou que proposait mon père quand il a inventé Cyranose®. Il avait même trouvé un distributeur chez qui l’on pouvait acheter séparément la partie support et mettre au centre une pierre en plastique. J’avoue rétrospectivement que c’était quand même bien moins esthétique que ceux que vous fabriquez aujourd’hui »

Dominique ABOUAF: « Pour moi, ce sont les bijoux d’Amérique du Sud puisque je suis une grande amoureuse de cette partie du monde. »

Annie FOSSIER: « J’ai toute une collection de bijoux pour orner mon Cyranose® et même un nœud papillon. »

Ghislaine VILLORY: « Moi aussi, j’en ai de toutes sortes. J’ai même un camée. »

Eric BEZICOT : « Revenons maintenant à vous. Dominique, je crois que vous souhaitez ajouter quelque chose concernant votre vécu de femme ayant subi une laryngectomie totale ? »

Dominique ABOUAF: « Dans les revues pour les personnes laryngectomisées, il y a beaucoup d’articles qui concernent les hommes. Ils ont en général une épouse à leur côté pour les assister. Par contre, peu d’allusions sont faites aux femmes laryngectomisées, de surcroît vivant seules et s’assumant. Je trouve cela dommage. Lorsque j’étais à l’hôpital, il a été demandé à mes amis de ne pas me « chouchouter », et l’on m’a précisé que l’opération était destinée à permettre de vivre comme avant. Physiquement il est vrai que l’opération affecte grandement notre respiration dans les premiers temps, surtout la nuit. Puis, petit à petit, à condition d’être en bonne santé, on arrive à la maîtriser. Personnellement, je suis progressivement arrivée à reprendre une activité physique. Je pense tout simplement qu’il ne faut surtout pas se laisser aller et s’apitoyer sur soi- même, Il y a des choses tellement plus dramatiques dans la vie, une victoire sur le physique permet de mieux affronter les réalités plus cruelles de la vie. Quant à la voix, la perd-on jamais totalement ? Je me suis posé la question lorsque l’une de mes anciennes élèves, que je n’avais pas vue depuis plus de quinze ans est venue me voir un soir et m’a dit qu’en dépit de ma voix chuchotée, elle me retrouvait comme autrefois. Certes, il n’est plus possible de communiquer comme avant notamment si l’on n’est jamais arrivé à maîtriser sa voix œsophagienne, comme cela a été mon cas. Toutefois, lorsque dans la rue, dans les transports…, j’entends toutes les banalités échangées via le téléphone portable, quelque part au fond de moi je me réjouis de ne plus parler. La communication écrite exige plus de rigueur, l’essentiel est privilégié. »

Eric BEZICOT : « Une dernière question pour finir. Où en êtes-vous aujourd’hui de vos activités professionnelles ? »

Ghislaine VILLORY: «Je travaillais auparavant comme secrétaire dans une petite société éditant une revue pour les radios amateurs. A présent, je ne travaille plus, mais je fais de nombreux voyages, notamment à l’Ile Maurice. »

Annie FOSSIER: « J’étais secrétaire dans les lycées. Actuellement, je suis visiteuse, administratrice à l’Union des Laryngectomisés et, chaque jour, je pense que ma seconde vie est meilleure que la première ».

Dominique ABOUAF: « J’étais professeur d’anglais au Lycée de Montrouge. Je suis toujours en activité mais maintenant je donne des cours à distance via internet et corrige des devoirs. Je voyage et je fais des haltères »

Eric BEZICOT : « En conclusion, que souhaiteriez-vous ajouter ? »

Annie FOSSIER: « Je ne pense pas qu’à l’heure actuelle, vous puissiez nous apporter quelque chose de plus dans notre vie de tous les jours. »

Eric BEZICOT : « Merci encore pour votre coopération »

Interview réalisée par :
Eric Bezicot, Président-Directeur Général de Ceredas, à l’Abbaye des Vaux de Cernay (78720), le 11 avril 2012.
« L’opération date de 2002, j’avais donc 57 ans. »
Annie FOSSIER
Ghislaine VILLORY
Dominique ABOUAF

Annie FOSSIER

Dominique ABOUAF

Ghislaine VILLORY

Eric BEZICOT